Performances

Pulsación

Duo danse & musique live

D’un côté, Cécile Cappozzo, pianiste jazz et free, cheffe de projets artistiques, improvisatrice sensible et engagée mais aussi danseuse flamenca émérite et renommée,
passionnée et exigeante. De l’autre, Pascal Maupeu, guitariste multidimensionnel, acoustique et électrique, compositeur, lui aussi chef de divers projets
artistiques, dingue de jazz et de pop-rock des années 60 et 70. La perte d’un ami musicien commun, Hugues Vincent, et l’hommage rendu par quelquesuns
de ses pairs en juin dernier à la Chapelle Sainte-Anne à La Riche, seront à l’origine d’une proposition de Cécile, sous la forme d’un duo danse-guitare.

D’une certaine manière, il s’agit ici de faire en sorte que the show must go on, que perpétuer la pratique de l’art est le meilleur antidote à la disparition, à la douleur que provoque celle-ci. Mais, mieux encore, il s’agit d’aller de l’avant. Ainsi, la performance livrée ce jour-là par le désormais duo dépassa largement le cadre de l’hommage sombre, « plombé », pour suivre une voie lumineuse, tour à tour apaisée et explosive, toute en nuances et couleurs.

Des premiers sons, presque timides, à peine esquissés, délicatement frottés, surgit la mélodie (si chère à nos deux artistes, et au coeur de la performance) et les délicats arpèges de la guitare réverbérée. On ne distingue pas grand-chose, au début… Mais vite la « créature » prend forme, la danseuse se révèle. Elle évolue dans une robe à traîne appelée bata de cola, qu’elle utilise à sa manière, la détournant de son usage du flamenco traditionnel. Elle s’enroule, se cache, s’animalise, et se fige en un instant afin de créer des images fortes incarnant l’art pictural.

Ainsi la notion d’essence du geste, les diverses expressions corporelles, faciales, les poses offrent au regard les multiples influences de l’artiste, empruntant ce qu’elle a à y prendre au flamenco, mais aussi à la danse contemporaine, au butõ également.

Et c’est bien la une des singularités de la prestation : aller au-delà des styles, les évoquer tout en les confrontant les uns aux autres. La musique suit ce même chemin : de balbutiements du début en arpèges aux couleurs flamenco, d’accords pop-rock aux ambiances feutrées, la guitare se fait plurielle, constamment inventive. Elle peut souligner les pas de la danseuse, ou bien suivre son propre chemin.

La réciproque est d’ailleurs vraie : même si les deux artistes se retrouvent parfois à « l’unisson » sur une phrase mélodique, ou un pas de danse millimétré, les deux chemins s’entremêlent, s’éloignent et se rejoignent. Pas d’illustration factice ici de la musique par la danse, ou réciproquement. Une seule et même expression artistique, plurielle, protéiforme, sensible et engagée. Toute la trame, tant que chorégraphique que musicale, sera écrite, les diverses séquences la jalonnant pouvant s’étirer plus ou moins, en fonction de la liberté d’interprétation que s’accordent les deux artistes.

Le lieu peut d’ailleurs jouer une importance capitale en ce sens : lors de cette première représentation à la Chapelle Sainte-Anne, les impressionnantes sculptures de Ghyslaine et Sylvain Staëlens, qui exposaient d’étranges créatures, guerriers, chasseurs, peuplant tout le lieu constituèrent comme autant de personnages uniques participant à la beauté de l’ensemble, et incitant volontiers à la contemplation.

En ce qui concerne ce nouveau duo, la notion de temps et ses diverses expressions artistiques reste la priorité des deux artistes. Les instants suspendus, les pauses, les silences, les durées qui s’étirent bien avant l’ennui, les fulgurances, etc… sont autant de déclinaisons temporelles, de nuances qui donnent du relief au spectacle et en définissent sa pulsation. Nous voici donc quelque part au croisement d’univers d’artistes comme Israel Galván, Keith Jarrett, Pink Floyd ou Pina Bausch.

Que peut bien relier d’aussi disparates expressions artistiques?

La volonté de dépasser les clichés de tous bords, de créer des ponts et de chercher au plus profond de soi qui animent nos deux artistes est déjà un bon début de réponse, et la singularité de leur démarche artistique va finalement bien au-delà de l’action parfois écrasante des influences pas forcément bien assimilées…Ça devait bien finir par arriver… et ça ne demande qu’à être sans cesse recommencé. »